lundi 23 mai 2011

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Malgré cette “hauteur” de vue, malgré sa volonté d’idéalisation, Rockwell sent que son monde est en train de changer. Peu avant le mardi noir du 29, Rockwell entreprend “Les Cours de la Bourse”. Notre illustrateur se rapproche de la réalité.



Stock Exchange Quotations ( couverture SEP, 18 janvier 1930)

Le Krach boursier du jeudi 29 octobre 1929 fut un séisme d’une telle envergure que les Etats-Unis ne s’en relevèrent que “grâce” à la seconde guerre mondiale. Pour diverses raisons liées au commerce extérieur et intérieur que nous n’aborderons pas ici, le système bancaire américain s’effondra. Les concéquences furent terribles. Alors que les surplus alimentaires étaient jetés, beaucoup d’américains avaient faim. Certains perdirent leur maison, d’autre leur emploi. Les Etats-Unis sombrèrent dans une spirale infernale.
Les Cours de la Bourse est parue en janvier 1930. Conscient de l’attention que porte ses concitoyens aux problèmes économiques, Rockwell voulut représenter cette préoccupation.
Une affiche donnant les cours de la bourse est placardée. Un attroupement se forme devant. Les personnages sont donc de dos. A droite, une vieille femme porte un châle et un chapeau démodés. A son bras est suspendu un panier de provisions. Malgré son âge et ses courses, elle s’est arrêtée. A coté d’elle, et cela est moins surprenant, un homme d’une classe sociale “élevée” fixe les cours. Chapeau haute forme, gants en cuir, guêtres, semblent formés l’apanage du “boursicoteur”. Malgré les résultats affichés, sa position reste neutre, impassible. Tout à gauche, une femme ferme le cercle. Nous pouvons la qualifier de jeune et de riche car en plus de son col en fourrure, elle porte un chapeau à la mode ainsi qu’un petit sac à main. Même si nous ne pouvons voir leurs visages la préoccupation est palpable.
Le plus étonnant est que dans ce groupe ayant des intérêts à la bourse, s’est immiscé un garçon d’épicerie. Pull grosses mailles, tablier de travail, la casquette visée sur la tête, il se penche avec attention. Par l’adjonction de ce personnage, Rockwell a voulu, semble-t-il, dire que l’ensemble de la population se préoccupe de cette situation. Par extension, mais sans vouloir le créditer d’une trop grande anticipation, l’illustrateur apensé que cette Crise, toucherait tout le monde, du plus riche au plus pauvre, du plus jeune au plus vieux. Pour prendre du recul et amenuiser les concéquences, Norman ajoute une touche amusante, le chien. En effet, l’attention du chien est surréaliste, risible.

Même si on n’ignore quand Rockwell a débuté sa toile, je pencherais pour ma part qu’il ne l’a débuté qu’après le Krach, même si différents chercheurs affirment le contraire. Premièrement les signes avant-coureurs de la brusque dégringolade furent imperceptibles, sinon imprévisibles et je doute que Rockwell portât une attention si particulière et avisée aux marchés. Deuxièmement, regardez le garçon d’épicerie... Il a trois jambes! Norman Rockwell si appliqué, si fin, n’aurait pas fait une erreur si grande s’il n’avait été pressé, très pressé! Voilà au moins une preuve que Norman en plus d’être peintre de talent, est aussi un illustrateur qui doit répondre et coller à l’actualité.

Sans conjecturer sur les propos et les idés de notre illustrateur, il nous faut néanmoins replacer Stock Exchange Cotations dans son contexte. En effet, Rockwell tout auréolé de sa notoriété, peut-il se moquer ouvertement de la situation dramatique qu'à ouvert le krach de Wall street? Il semblerait que les américains , eux-même, n'ont pas pris conscience de toute la gravité de cette crise. Ainsi le premier d'entre eux, le président Herbert Hoover, fraîchement élu, ne déclare-t-il pas en mars 1930 : "Je n'ai aucune crainte sur l'avenir de notre pays. Il resplendit d'espoir." Deux mois plus tard, il dira :" Nous avons franchi maintenant le plus grave et nous allons rapidement nous en sortir." Il se trompait lourdement.

Malgré cette crise, les conditions de vie de notre peintre s’améliorent. Il fait parti avec sa femme Irène, des meilleurs cercles de New Rochelle. Les dîners, les sorties en mer succèdent aux rénions du Country Club. Rockwell dira de cette période qu'elle fut exaltante, mais il déchanta sous les coups répéter de la superficialité, des adultères et des étalages narcissiques. Sa condition maritale et psychologique se dégrade. Il se sépare d'Irène. Norman s'installe dans un immeuble baptisé "Hotel des Artistes", à l'ouest de Central Park, mais ce changement le plonge dans une nouvelle dépression nerveuse.

Le couple divorce en 1930. Pour changer d'air, Rockwell fait un séjour sous le soleil de la Californie. Il y fréquentera le monde du cinéma. Lors de ce séjour, il rencontre Mary Barstow, une idylle fulgurante nait. Norman l'épousera cette même année. Le couple s'installe à New Rochelle, quartier de New York, dans une belle demeure de style XVIII ème. Son nouvel atelier fera même l'objet d'une parution dans le magasine "Good Housekeeping".

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